Essaim [Spart]

■ Était-ce une autre dimension? La jument se sentait flotter dans le vide comme si tout autour plus rien n'existait et elle tournoyait dans un infini sans fond. Il faisait noir soudainement et même si ses yeux, dans la réalité était fermés, l'ange ressentait tout absolument tout ce que cet environnement inconnu voulait lui faire connaître. L'ange se sentait seule comme dans le passé, si petite et inoffensive, sans défense. Revenir en arrière ce n'était peut-être pas une si bonne chose au fond, car là présentement elle semblait s'y perdre elle-même et c'était comme si cette autre dimension recherchait à condamner son âme si pure. Elle inspira doucement, la voix de Spartacus vint alors percer la noirceur pour un moment et elle vit un peu plus autour d'elle, de nouveau.

Même en ayant les yeux fermés, les larmes coulaient et son corps n'avait de cesses de frémir, trembler à tout contact que se soit dans la réalité ou le surnaturel. Que se passait-il? Elle tenta de nouveau de se concentrer et elle écoutait les paroles du noiraud, attentive à tout. Cette image qu'elle avait décrite quelques instants passées semblait s'effacer tout doucement et l'archange eut un moment de panique, se demandant si sa mémoire était en train de se réinitialiser. Elle avait peur de perdre la mémoire ou d'oublier les choses importantes. « Spartacus... » souffla-t-elle, tout doucement comme si elle cherchait à retrouver le contact. « Tout... disparaît... Je ne veux pas oublier... » implora-t-elle, les larmes coulant davantage par peur et angoisse.

Tout ce qui l'entourait semblait disparaître dans la noirceur et soudainement, elle entra dans une zone impénétrable pour l'étalon. Irisviel se retrouvait maintenant dans sa propre réalité, celle de son passé et là, elle se tenait debout au milieu de la vaste clairière où la pluie s'abattait sur le territoire. Il faisait très froid et nuageux, le soleil était bel et bien absent. Mais, elle était pour le moment très seule. À vrai dire, un peu plus loin au fond, on pouvait apercevoir une petite masse bicolore gisant sur le sol et c'était définitivement Iris quand elle n'était qu'une pouliche. C'était elle. Sa naissance avait dû être provoqué ou prématurée tellement elle était toute petite. La jument se rapprocha encore plus de ce petit être qu'elle savait pertinemment que c'était elle, mais plus elle se rapprochait et plus les choses s'éclaircissaient.

Le vent se mit à souffler fortement et on voyait les éclairs dans le ciel, c'était une journée horrible pour une naissance. L'archange voulut s'approcher pour toucher la petite tête de la créature et celle-ci s'évapora subitement. Iris vit alors l'accouchement de sa mère et dans le même décors que précédemment. L'orage, les éclairs, la tempête et le tonnerre. Triste naissance dans ces circonstances. Mais, la mère était seule à vivre ce moment et elle avait de la misère à mettre bas, comment était-ce possible? C'était vraiment vrai, tout ce qui se passait, présentement. L'ange au regard bleuté sentit les larmes se déverser sur son visage si doux, elle avait beaucoup de chagrin et de tristesse. Cependant, la scène n'arrivait toujours pas... comment cela?

■ En entendant les paroles du noir, elle se calma du mieux qu'elle pouvait et se concentra sans trop ressentir les nombreuses émotions qui en ressortaient. Irisviel souffla doucement l'air de ses naseaux et se mit à compter intérieurement jusqu'à dix afin de reprendre le contrôle total sur elle-même. Ce fut un succès, évidemment et elle retomba alors dans une phase très difficile, mais l'ange était capable de surmonter cela. « D'accord. » souffla-t-elle, tout bas en reprenant petit à petit le dessus.

Elle allait dire tout ce qu'elle voyait présentement. « Je suis entourée de noirceur et finalement je me retrouve devant moi, étant pouliche. Ma mère est en train de me donner la vie et elle est seule. Il pleut averse, le tonnerre, les éclaires et l'orage font rage ici, c'était horrible. Ma grand soeur et mon grand frère sont en train d'arriver pour aider ma mère avec son accouchement. » commença-t-elle, sentant de nouveau son corps tressaillir, mais elle tenait bon et se concentrait sur la voix de l'étalon. Elle prit une pause, car maintenant la femelle ne parvenait pas à voir la suite et c'était soudainement calme, puis tout revint subitement, alors. « Je pense que ma naissance fut difficile, mais mon père n'est toujours pas là... Je ne le vois pas encore. Mon grand frère et ma grande soeur se placent soudainement devant ma mère comme pour la protéger. Quelque chose ne tourne pas rond, il y a bien un truc de pas normal et là, leurs expressions changent tout de suite. » ajouta-t-elle, en tentant d'aller encore plus loin.

Son âme semblait vouloir se détacher de cette réalité du passé, son esprit voulait aussi se déconnecter et ce, parce que bientôt, la vérité allait éclater. C'est à ce moment qu'elle le vit et brusquement son corps tout entier se raidit et les émotions l'envahirent. La peur. La tristesse. Toutes les émotions difficiles à gérer se retrouvèrent au même endroit... à l'intérieur de Irisviel. Elle le savait. C'était le moment. « Il arrive... » murmura-t-elle, la voix saccadée.

■ Son père se tenait là, face à elle et sa famille, son regard était noirci par les ténèbres, plus rien n'avait d'importance à ses yeux. Iris observait la scène et lorsque la voix de Spartacus retentit, elle devait lui dire ce qu'elle voyait. « Il est là, devant nous. Mon père avance petit à petit, son regard n'est que ténèbres et noirceur. Pourquoi? » Elle pleurait, mais continuait d'aller au plus profond de ses pensées et de son âme. Quelque chose se révélerait à la toute fin, c'était assuré. « Il attaque mon frère et ma soeur, sans pitié. Mon père traîne leurs cadavres jusqu'à la falaise pour les jeter et reviens ensuite. » dit-elle tout bas, si bouleversée.

■ Les choses devenaient très sérieuse et elle observait la scène difficilement, sa famille allait mourir sous son regard de jeune pouliche inoffensive, si impuissante. Elle ressentait un désarroi et une profonde blessure intérieure, son père ne semblait pas avoir toute sa tête. Celui-ci justement s'avança jusqu'à la mère et sa fille, la maman avait perdu énormément de sang dû à l'accouchement difficile qu'elle venait de subir. Mais, le regard si pur de l'enfant se posa sur le paternel qui n'avait que méchanceté dans son regard. Elle ne comprenait pas. Il semblait dans un autre état d'esprit. Le grand mâle ouvrit la bouche. Je vous tuerai tous, car c'est mon désir le plus cher.

Ce fut à ce moment le choc et Irisviel tenta tout pour rester connecté, car vraisemblablement il ne semblait même pas y avoir de réponses concrètes à toute cette histoire. Alors, la jument continuait toujours d'être dans un état où elle pouvait tout visualiser. « Il a dit qu'il nous tuerait tous, car c'est son désir le plus cher. » Maintenant, les larmes et le coeur battant, elle avait un chagrin infini. Mais, l'histoire ne s'arrêtait probablement pas juste à cela, car la maman avait été tuée et la fillette épargnée, mais pourquoi? Un tueur pouvait-il élever deux grands enfants et ensuite vouloir détruire tout ce qu'il avait construit? Impensable. Difficile à croire.

■ Elle creusa du mieux qu'elle pouvait, c'était difficile pour elle, car ce n'était qu'une enfant à l'époque et rien ne lui expliquait réellement cet acte. Sa respiration se fit de plus en plus rapide. « Il s'approche de ma mère et sans scrupule, il l'attrape à la jugulaire. Je l'entend hurler incroyablement fort, elle m'a ordonné de fuir et j'étais paralysée là, ce que je voyais était déroutant. Mon père traîne ma mère sur le sol jusqu'au bord de la falaise, il la frappe et la mord sauvagement à la jugulaire. Il rit continuellement comme si c'était drôle ou hilarant. Ça semble même l'amuser, cette situation. » raconta-t-elle, en pleure sentant son être tout entier vaciller entre revenir dans le vrai monde ou rester là, dans les souvenirs douloureux du passé.

Elle sentait toujours Spartacus contre elle et essaya de continuer d'y voir plus clair. Son père s'amusait à maltraiter la maman de Irisviel en riant comme un fou furieux, un obsédé et là, il y eut probablement un déclic. « Tu m'as toujours été soumises. Tu as essayé de protéger ta progéniture de moi et de ce que tu savais que j'allais faire un jour, si tu tentais de... » Iris sentit son coeur faire un bon. La tristesse était immense. Dans un souffle, elle n'en pouvait quasiment plus. « Spartacus. » supplie-t-elle, mais elle devait travailler fort pour se souvenir ce qu'il avait fini par dire, ce père indigne.

Elle inspira doucement, l'ange devait le dire même si c'était difficile et elle se lança, le corps tremblant entièrement. « Si tu tentais de me fuir. Je t'avais promis que ce jour-là, je te tuerai toi et les enfants. » finit-elle, par décrire en demeurant complètement vide de toutes émotions, anéantis et frappée par ces révélations. Irisviel avait toujours gardé ça secret, enfoui dans les profondeurs de son âme et jamais elle ne s'était attendue finalement à les faire revivre, ravivé en surface ainsi.

Mais, pourquoi l'avait-il épargné?

■ Elle s'efforçait de donner tous les détails possible et au bout d'un moment, elle vit autre chose. « Maintenant, ma mère le supplie d'arrêter et elle l'implore de m'épargner aussi. » souffla-t-elle, tout bas en serrant la mâchoire, sentant un chagrin incroyable. L'ange plissa durement les yeux, sentant une vague énorme d'émotions et elle sentait la tristesse l'envahir. « Non. Non. Non. » marmonnait-elle, sans cesse le coeur battant à tout rompre et l'archange malgré cette effroyable tristesse, continuait d'avancer. Spartacus lui était d'une très grande aide et heureusement qu'il l'aidait, car elle aurait sombrer probablement dans les ténèbres.

Irisviel semblait voir son père sourire et trouver cela amusant, le paysage était horrible, la pluie qui s'abattait sur leur corps rendait la situation si désastreuse. À la question du grand noir, Iris tentait de voir la suite, mais pour l'instant il était toujours en vie et elle ne comprenait pas pourquoi, car dans ses souvenirs, il était bel et bien mort. « Il est toujours vivant. » affirma-t-elle, en posant plus fortement son front contre celui de Spart', les émotions l'envahissant entièrement. Ses jambes tremblaient, c'était une situation incontrôlable et incroyablement terrible, elle ne le souhaitait à personne. Mais, la bicolore était courageuse et forte, elle y arriverait, sans l'ombre d'un doute.

La suite arriva enfin, le décors ne changeait toujours pas et tout se passait au pied de la falaise, avec ses parents. Sa mère continuait de hurler et de pleurer, en criant au père de ses enfants d'épargner la plus jeune, de ne pas lui faire le même sort que tous les autres. Le monstre regardait la mère de haut et ce, avec un sourire en coin, bien amusé. Ça le faisait rire intérieurement et d'un coup de sabot, il assomma la mère. Mais, il ne suffisait pas d'un seul coup, mais bien plusieurs pour venir à bout d'exploser le crâne de la maman à Irisviel. C'était une atrocité à regarder. « Il a tué ma mère en lui explosant le crâne et là, il s'en va la jeter en bas de la falaise comme mon frère et ma soeur. » dit-elle, en sentant sa respiration de plus en plus vive.

Le moment le plus difficile était à venir, car elle s'était retrouvée seule avec son père et c'était toujours ce moment qui la hantait comme tous les autres aussi, d'ailleurs. Les larmes coulaient et la peur se faisait sentir, Irisviel appréhendait ce moment depuis toujours. « Il s'approche de moi. » lança-t-elle, en panique. Il ne disait rien et ne faisait rien sauf avancer vers la petite pouliche, tout était si effrayant. C'était à ce moment qu'elle connaîtrait la vérité et tout semblait si intense. « Il s'arrête devant moi avec son air de tueur et me fixe longuement. Sa bouche s'ouvre et il me dit que toute ma vie j'aurai à vivre avec la mort de sa famille sur la conscience. Ce sera mon châtiment pour être venu au monde... » raconta-t-elle, tout de suite en sentant sa gorge se nouer. Alors, c'était ainsi...

Mais, à ce moment, les choses s'enchaînèrent plutôt rapidement et elle vit aussitôt la suite de l'histoire. « Mon père fait demi-tour, sans rien dire et marche jusqu'à la falaise, bien calmement. Il s'arrête et se tourne vers moi. Il me dit que je suis l'abomination de la famille, l'échec et que seule, je ne survivrai pas, alors il me dit qu'il espère que je meurs rapidement de solitude, de faim, etc. Puis, là... Il saute en bas de la falaise et se suicide. » dit-elle, abasourdie et complètement désemparée. C'était donc cela, l'histoire qu'elle avait tant voulu faire taire et ne jamais connaître.

■ Situation incroyablement difficile sur son corps, la jument avait tout écouté ce que venait de lui dire l'étalon et au moment où elle revint enfin à elle, ses yeux s'ouvrirent. L'ange tomba raidement sur ses genoux, affaiblie par les émotions et ce qu'elle venait de vivre, son coeur battait très rapidement, elle était très faible, en ce moment. Ce n'était qu'une simple question de temps avant qu'elle ne perde conscience, dû au choc trop puissant de ce retour dans le temps. Mais, malgré tout cela, elle afficha un sourire et un doux regard à Spartacus, si reconnaissante de ce qu'il venait de faire, le mâle l'avait aidé à se retrouver, mais non seulement cela, il lui avait permis de trouver les réponses. Elle sourit avec tendresse et petit à petit, ses yeux se fermèrent, sombrant peu à peu dans un monde de... somnolence ou d'absence. L'évanouissement était inévitable.

■ Après quelques minutes à être inconsciente, la jument finit calmement par ouvrir les yeux et elle observait autour d'elle pour s'apercevoir que l'étalon était resté là, avec elle.