Lighter than the light ▬ A

Comme chaque soir et chaque matin, le piton magenta s'habille de nouvelles couleurs avec l'approche du crépuscule. Il prend progressivement cette teinte rougeâtre dont il tient son nom, au fil des minutes qui passent. Dans un trot cadencé, la petite jument palomino arrive dans la prairie fleurie qui s'étend au pied de l'impressionnant volcan. Les derniers rayons du soleil subliment sa robe dorée en lui offrant un éclat bien particulier. Elle n'aura jamais été aussi jolie que sous les lumières dansantes de la fin de journée. Peut-être en a-t-elle conscience d'ailleurs puisqu'elle s'immobilise au beau milieu des fleurs pour profiter de la chaleur que lui apporte le soleil. Il ne manquerait plus qu'une personne contre laquelle elle pourrait se blottir pour que le moment soit vraiment parfait. C'est cette pensée, cette envie, qui lui fait réaliser à quel point elle est seule. Et qu'elle n'a plus envie de l'être aussi...

Le parfum des fleurs imprègne rapidement sa robe dorée. C'est l'une des raisons qui fait qu'elle aime autant cet endroit. La clairière est toujours jolie, peu importe la saison et peu importe le moment de la journée. A ses yeux, cet endroit est parfait. Elle ne lui donne aucun défaut, uniquement des qualités.
Absinthe s'apprête à rejoindre l'orée du bois lorsqu'une silhouette en mouvement attire son regard. Finalement, elle n'est pas si seule que ça. Une pointe d'espoir la gagne. Peut-être qu'elle ne sera pas seule ce soir, tout compte fait. Un léger sourire gagne ses lèvres lorsqu'il la salue en parfait gentleman. Son regard accroche le sien.
- Bonsoir, souffle-t-elle de sa voix mélodieuse.

Le comportement nerveux de l'étalon ne la surprend pas vraiment. L'odeur de ses chaleurs s'est diffusée dans l'air et même si la fragrance des fleurs est puissante, elle est loin de l'être assez pour masquer le parfum entêtant de ces dernières. D'autant plus qu'elle n'a pas cherché une seule seconde à les camoufler. Peut-être était-ce simplement une invitation...
Un léger sourire s'inscrit sur ses lèvres délicates. En temps normal, elle aurait sans doute fuit ce genre d'individu. Néanmoins, ce soir, c'est différent. Elle n'a pas envie d'être seule alors ça ne la dérange pas qu'il s'impose. Peut-être même qu'elle y trouve une pointe de charme.
- Je ne peux qu'acquiescer, admet-elle.
Le crépuscule et l'aurore ont toujours été les plus beaux moments de la journée à ses yeux. Des moments romantiques, s'ils sont partagés...
- Je m'en sens honorée, s'amuse-t-elle avec légèreté.
Ce soir, elle besoin de légèreté, oui. Pour laisser ses problèmes de côté, entre autre. Pour panser ses plaies intérieures aussi. Pour oublier.
- Je m'appelle Absinthe, se présente-t-elle ensuite, sans se défaire de son sourire solaire.

Il ne le sait peut-être pas, mais il marque des points en agissant de la sorte. Afficher un parfait contrôle de soi, même dans une situation délicate, c'est une attitude que Absinthe apprécie. Bien qu'elle aime tout autant l'effusion de passion. Ça dépendait de la situation.
Le voir sourire lui fait plaisir et l'incite à ne pas abandonner le sien. C'est tellement plaisant, voir même satisfaisant de donner envie à quelqu'un de sourire. Elle l'avait presque oublié et maintenant elle réalise enfin pourquoi tant de proches lui disait qu'elle avait changé depuis son voyage. Elle avait perdu de sa lumière. Elle avait perdu ce qui était le plus beau chez elle.
- Enchantée Zephyr, dit-elle.
Fléau ou Zephyr, les deux noms lui vont à merveille mais elle choisit malgré tout de suivre son indication. Peut-être est-il mal à l'aise avec son nom d'usage et elle respecte ça. Un court instant, son regard quitte le mâle pour observer le coucher de soleil. Le soleil a presque entièrement disparu et bientôt, il fera nuit noire.
- Je viens très souvent ici. C'est... Mon havre de paix, lui avoue-t-elle finalement en glissant de nouveau son regard océanique sur lui.

Un léger vent se lève, soufflant délicatement sur les fleurs. Leur parfum tourbillonne un petit moment autour des deux équidés avant que le vent ne retombe. Discrètement, Absinthe hume l'air pour en capter la fragrance. Voilà une des raisons pour laquelle elle aime tant cet endroit. Il y a quelque chose de féerique ici.
- Non, du tout. Je... Je suis contente de ne pas être seule, avoue-t-elle d'une petite voix, soudainement timide face au grand mâle ébène.
Si elle se retrouvait seule, elle savait qu'elle retomberait immédiatement dans ses pensées obscures. Et elle n'avait pas du tout envie que ça arrive...

Le sous-entendu qui se cache dans la réponse de l'étalon l'électrise. C'est un peu flou dans ses pensées mais elle repense à ce que lui a dit Winterfell lorsqu'ils se sont vus à la cascade. Comme quoi c'est bien triste d'être seul en pleine période des amours. Il n'avait pas tord. La solitude ne lui avait jamais parue aussi lourde à porter que maintenant.
- Aucune soirée n'est bonne à être seul(e), répond-elle alors, un peu lassée.
Bon sang, oui. Qu'est-ce qu'elle peut en avoir marre d'être seule...

Un fin sourire naît sur ses lèvres lorsqu'elle le voit se rapprocher. C'est difficile à expliquer mais, sans même le connaître, elle se sent irrémédiablement attirée. Peut-être parce qu'il n'y va pas par quatre chemins et qu'il est là alors qu'elle se sent terriblement seule.
- Tu as peut-être bien raison, concède-t-elle en faisant enfin un pas vers lui.
Ils sont désormais assez proche l'un de l'autre pour se toucher. Pourtant, elle n'ose pas. C'est un peu étrange... Elle en a envie mais ne s'en sent pas capable. Peut-être est-ce dû aux souvenirs qui la hantent, depuis qu'elle avait cédé aux charmes de Faucon. Ou peut-être est-ce dû à d'autres souvenirs qui la hantent tout autant...

Il semble être dans l'attente. Est-il bloqué, lui aussi ? Se sent-il aussi hésitant qu'elle ? Est-ce seulement possible... ?
Lorsqu'elle sort de ses pensées, la palomino réalise que son souffle s'est raccourci. Elle s'efforce alors de se calmer, pour éviter de provoquer une crise. Ce n'est absolument pas le moment.
D'un geste lent, mesuré, elle glisse ses naseaux vers ceux du mâle mais se contente simplement de les effleurer. C'est déjà un bon début.