danser au bord du vide. L

La jeune femelle était tout au bord du vide, cette sensation lui rappelant plusieurs souvenirs. Du temps où elle connaissait Songe d'Eté. Et aussi sa rencontre avec Brooklyn. Pensive, la jument ne laissait pourtant rien voir de son trouble. Elle était parfaitement sérieuse en apparence, ne montrant aucun signe de faiblesse. Le vent soufflait rudement dans ses crins lavés, et battaient son encolure avec force.
Elle attendait.
Mais quoi ?

Je peux?

Caelis quand à elle, regardait les alentours d'un air nerveux. Elle piaffa, hennit doucement, puis s'immobilisa en apercevant une silhouette familière. Les chaleurs se rapprochaient, elle le savait, et il lui fallait absolument contrer les plans de Ramsès. Et protéger Mara. Tout cela la rendait décidément bien sur les nerfs. De loin, c'était un peu difficile de reconnaître Lunaio. Mais les souvenirs d'enfance ne trompent pas. La grisette hennit pour l’interpeller, oreilles dressées.

L'une de ses oreilles bougea un peu, seul signe démontrant qu'elle l'avait entendue. Lunaio était absorbée par le vide, comme deux ans auparavant, quand elle se fit happée par les ténèbres. Mais aujourd'hui, c'était une autre époque, elle le savait. Tant de choses avaient changé. Elle poussa un soupir et s'orienta vers la source de cet hennissement. C'est là qu'elle reconnu Caelis. Elle ne bougea pas, l'observant juste s'approcher. Va t'en, avait-elle envie de lui dire.
Mais elle conserva le silence.

En voyant Luna se retourner, Caelis renouvela son hennissement, quoique plus doucement. La grisette prit le trot et la rejoignit, faisant quelques foulées de galop les derniers mètres, où elle pila net sur ses quatre sabots. Le vide s'étendait à ses côtés. A leurs côtés. La question du "Que faisait Lunaio au bord du gouffre" lui traversa l'esprit, mais elle n'en dit rien. Salut Luna!Elle lui sourit, comme si rien ne s'était jamais passé, et que la dernière fois qu'elles s'étaient vues, elles étaient des yearlings. Mais la jument alezane brûlée devant elle était son dernier lien proche avec sa mentor, et elle souhaitait le conserver. Et puis, elle l'aimait bien aussi.

Lunaio se retint de l'envoyer bouler. Elle était au courant de trop de choses qui auraient pu éviter à Caelis de s'engouffrer davantage dans des histoires. Mais si elle disait quoi que ce soit, elle enrayerait son contrat avec Ramsès. Contrat qui allait lui coûter rudement cher dans tous les cas, mais elle était vouée à un objectif : tuer Budapest. Et ça, si Caelis l'apprenait, ce serait fini. « Salut Caelis. » Fit-elle en redressant légèrement son encolure. Elle essaya d'éprouver de la joie, mais Caelis était la dernière personne qu'elle voulait voir en ce moment. Cela allait tout compliquer.
Encore une fois.

La grisette connaissait Lunaio depuis trop longtemps pour pouvoir se tromper. Elle lui lança un regard suspicieux, puis soupira doucement. Un peu piteuse, elle se dandina sur place, mal à l'aise. T'es pas au courant?

« Au courant ? » Releva-t-elle alors, un faible éclat de curiosité naissant au creux de ses yeux. Si seulement elle pouvait ne pas cacher au monde tout ce qu'elle renfermait. Se sentirait-elle plus libérée ? Non. Elle était déjà en prison, pas besoin en plus de cela de demander à ce qu'on la batte à coups de fouets. Elle effleurait le fond depuis trop de temps. « Au courant de quoi ? »

Caelis coucha ses oreilles en arrière, surveillant du regard les alentours. Ses naseaux dilatés frémirent. Dap à fermé les frontières. S'il te trouve... Elle se mordit la lèvre, puis se retourna, tournant le dos à Lunaio, comme pour faire un rempart contre une forme invisible.

« Eh bien ? Que fera-t-il s'il me trouve ? » Demanda-t-elle en pointant légèrement ses oreilles en avant. Qu'il vienne, bon sang, qu'il vienne. Mais elle ne devait pas se laisser emporter, et s'en tenir au plan qu'allaient établir Apophis et Ramsès. Sans le vouloir à la base, elle s'était retrouvée dans le camp ennemi, pour une cause qu'elle estimait juste.

Caelis recula ses oreilles, au contraire de Lunaio. Dans ses propres pensées, elle n'avait pas réalisé qu'elle avait quitté l'empire. Et la crête était un terrain tellement similaire aux terres de Budapest qu'elle n'avait pas fait attention. La grisette, réalisant son erreur, regarda les alentours d'un air un peu hagard. Puis elle jeta un coup d’œil à la fille de Miu, honteuse. Oups...Amusée de son erreur, elle rit, quoiqu'un peu nerveusement, puis ajouta, très sérieuse: Bon, de toute façon, va pas sur les terres de l'empire hein, sinon il te chassera. Ça paressait bête comme ça, mais vu la carrure du bicolore, mieux vaut ne pas s'y frotter. Sauf en ce qui concernait Caelis, qui finalement n'était pas très raisonnable dans son genre.

Lunaio haussa un sourcil imaginaire. Caelis ne semblait plus très à l'aise en sa présence, soudainement. Ainsi donc, Budapest fermait les frontières ? « Au fait, tu as revu ma mère ? » Lâcha-t-elle, jouissant presque intérieurement d'être la première à l'avouer à Caelis. Cependant, elle ne ressentait aucune joie à parler de ça. Elle estimait juste que Caelis avait le droit d'être au courant. Budapest avait assez semé le trouble dans l'esprit d'autrui, à passer pour un étalon tout blanc. Alors qu'il n'était qu'un stupide lâche.

Caelis la détailla, ébahie. Son regard se voila un instant mais elle se reprit. La grisette coucha ses oreilles en même temps qu'elle eut un mouvement de recul. Elle faillit grogner. Non. Miu est morte. A cause de Ramsès! Elle cracha les derniers mots, manquant de les hurler. En cet instant on voyait un haine qui n'était encore jamais apparue chez elle. Et elle fulminait presque en voyant Luna si peu touchée.

Elle pouvait fulminer rien qu'en entendant le nom de Ramsès, cependant, quand elle entendra la suite elle sera deux fois plus en colère. Lunaio poussa un léger soupir. « C'est justement de ça que je voulais te parler. » Elle laissa le silence planer quelques instants, histoire de marquer une pause et de laisser Caelis se préparer à la suite. « Tu sais, ton ami, Budapest. Il était là. Il devait nous faire passer les frontière. Quand Ramsès est apparu. Il a décampé. » Lâcha-t-elle enfin.
« Il a fuit, Caelis. Comme un lâche. » Elle lui lança un regard dur.

Le front de Caelis laissa une ride se placer en son milieu. Elle secoua la tête, et recula d'un pas, manquant de chanceler après coup. C'est...pas possible. Le regard chocolaté de la dame laissait voir toute la détresse qu'elle ressentait. Tout est toujours possible, le meilleur et le pire.

Lunaio n'ajouta rien d'autre. Elle la laissa se rendre compte par elle-même de quel idiot il était. De quel lâcheté il avait fait preuve envers quelqu'un à qui il était censé tenir. « Il disait tenir à ma mère. Alors vois par toi-même. Tu n'es pas plus en sécurité entre les jambes de Budapest qu'entre celles de Ramsès. » Fit-elle avec une certaine dureté.