Comètes en décadence

En réalité, je n'ai aucune estime de moi-même. On a si souvent et si durement pris mon égo pour le déchiqueter, marcher dessus et l'enterrer que j'ignore si je le retrouverai un jour, lui, l'estime et la fierté. « C'est ce qu'ils disent tous. Vous avez des gênes de poney, vous aussi, mais je suis encore plus petit que vous. »

▲ Mais ne dit-on pas que, on ne naît pas étalon, on le devient? Ne construisons-nous pas des temples à partir des débris des montagnes? Des vitraux avec des brisures de verre? Je pense que c'est la taille de l'esprit qui importe. Rétorque-t-elle, franche.

Je soupire avec un léger rire. « Mais tout le monde ne pense pas comme vous. »

▲ J'aimerais dire heureusement. Pouffa-t-elle, avant d'ajouter: Mais qu'en avez-vous à faire de l'avis des autres? C'est vrai, on ne change pas sa taille, on trouve d'autres manière de paraître grand. On ne change pas sa vue, on découvre d'autres façons de voir. Mara ici présente confirme.

Je la regarde fixement. Dommage qu'elle ne puisse pas me voir. « De ce qu'ils pensent, rien. Mais quand ils utilisent cette excuse pour vous battre, ça change un peu la donne. »

▲ Mara hocha la tête. C'est vrai. Et que pouvait-elle ajouter à ça? Rien. Donc elle ne dit rien.

Je reste silencieux moi aussi, écoutant simplement la pluie tomber. Être aussi nostalgique ne me ressemble pas. Sûrement la météo déteint sur mon humeur.

▲ Et d'où venez vous?

Je relève mes yeux vers elle. « Quelque part loin d'ici. Je ne saurais dire si c'est plutôt au Nord ou au Sud d'ici, ou ailleurs. Mais j'ai beaucoup voyagé avant d'arriver. »

▲ Oh! Moi aussi j'ai voyagé. Mais je suis originaire d'ici. Peut-être ai-je visité votre contrée? Elle sourit, amusée de ce vocabulaire qu'elle utilisait soudain.

Elle sourit, mais moi je ne souris pas. En fait, je me base surtout sur le fait qu'elle est aveugle, je l'ai bien compris, alors sourire pour quoi, pour qui ? « Non, je ne pense pas. »

▲ On devrait toujours sourire pour soit. Tout du moins, ce n'était pas pour lui que Mara le faisait, mais bien pour elle-même. Sait-on jamais. Elle recula ses oreilles, n'ajouta rien.

Je ne réponds rien non plus, tous ces propos me replongeant des années en arrière. Où j'étais seul, avec elle. Maman me manque tellement. Je pensais naïvement qu'un deuil devient plus facile avec le temps, mais comme avec l'amour, elle me manque un peu plus chaque jour. Je reste silencieux, perdu dans mes songes.

▲ Le silence devenait gênant. Et ces terres, elles vous plaisent?

« Oui, il y a de beaux endroits. J'ai rencontré la dominante du Levant... » commencé-je prudemment.