∞ le squelette laboureur

SOCRATE
L'exploration de ces nouvelles terres continue, Socrate se glisse habilement d'un territoire à un autre en fouillant chaque parcelle de ceux-ci. Comme une fourmi qui ne dort jamais, l'animal parcourt sans se lasser ces terrains de jeux. En sortant des Brumes, il tombe sur cette forêt qui lui apparaît froide, fraîche. Son sang se glace lorsqu'il tombe face à un tas d'ossements sagement léchés et nettoyés. C'est bien la première fois qu'il voit un squelette. Une excitation sans faille monte en lui alors qu'il se précipite pour l'observer de plus près. Avec des gestes extrêmement lents, il déplace les plus petits os pour laisser apparaître le crâne de ce qui devait être une biche. Les yeux de Socrate pétillent à mesure qu'il détaille la chose avec attention.

Socrate entend qu'une gorge se racle et qu'on le somme d'interrompre son activité pour reporter son attention sur l'inconnue qui vient d'arriver. Non sans cacher son mécontentement, l'animal se tourne avec une lenteur infinie vers la silhouette claire qui l'a interpellé. « Ça l'est » Il répond simplement sans s'attarder sur de plus vagues explications. Les habitants de ces terres avaient la lourde habitude de commenter les recherches de Socrate.

Socrate est surpris de cette question, elle lui apparaît si bête. « J'élabore une thèse sur tout ce qui existe en ce bas monde » Répond-t-il alors en se redressant bien, montrant tout son sérieux à l'inconnue.

Dure question que celle de résumer tout ce que Socrate avait pu observer depuis sa naissance. « Comment je trouve que le monde va ? » Demande l'animal pour être certain d'apporter la meilleure réponse à la jument.

Difficile de résumer ses diverses expériences, ardu de donner son avis sur l'immensité du monde, dur de simplifier l'idée qu'il a de la Terre. « Les démons sont descendus parmi nous. Chacun regorge d'une envie insatiable de pouvoir et de prestige. Personne n'est satisfait de son bonheur et tout le monde se perd dans son malheur » Il se tait, se surprend lui-même de dévoiler ainsi son analyse, lui qui aime garder pour lui ses secrets et ses découvertes. « Qu'en penses-tu ? » Questionne l'animal, cherchant une quelconque approbation en ce qu'il sent la jument intéressée par ses propos. Elle semblait bien la seule ces derniers temps.

Le raisonnement de la blanche rejoint celui de Socrate qui, agréablement surpris, ose un pas vers l'inconnue, se déportant complètement de son squelette adorée pour l'inspecter elle et ses mystères. « Je n'en ai jamais rencontré. Ils sont tous accaparés par la futilité, qu'elle soit déguisée en pouvoir, en amour ou encore qu'elle se cache dans les liens de famille » L'animal marque une pause, son discours est si méprisant, si condescendant qu'il s'impressionne lui-même. Lui d'habitude si compréhensif commence à se murer dans son propre savoir, pensant tout connaître. Attention Socrate, tes pas semblent dangereux, prend garde à ne pas chuter. « Je peux vivre sans pouvoir, sans amour, sans famille.. je n'ai besoin que de mon esprit »

« Comme je te l'ai dit, j'en suis le parfait observateur, je me place complètement hors de ce monde fait d'ego » Répond-t-il avec calme alors qu'il a l'impression de monopoliser la conversation, d'habitude, c'est lui qui pose les questions. « Je prends soin du mien. Je le nourris, de le soigne.. » Il arque un sourcil, ronfle des naseaux, voulant se donner un air provoquant, inquisiteur parce qu'il a l'impression de perdre la main et qu'il ne contrôle pas cette conversation. « Peux-tu en dire autant du tien ? »

Elle ne répond pas à sa question, ce qui lui provoque une grande frustration. D'habitude c'est lui qui pose les questions mais soit, la conversation reste intéressante alors il continue à répondre. « Je pense sincèrement qu'on a besoin de notre part d'ombre quand notre vie est trop sombre justement. Quand on arrive à vivre de façon équilibrée, je ne suis pas certain qu'on ait cette part d'ombre » Il hoche la tête, qu'en pensait la douce grise ?