Chaque blessure laisse une cicatrice.

( Milles excuses pour cet énoooorme retard... )


Son regard glisse de nouveau sur la surface de l'eau qui a perdu de sa clarté avec le passage de l'étalon. L'eau si claire du bassin prend lentement une teinte rougeâtre et à ce moment, Syliah reprend conscience de la nature du mâle qui se trouve à quelques mètres d'elle. Un tueur. Voilà ce qu'il est. Fera-t-elle partie de ses victimes ? Ferait-il couler son sang ? Après tout, il n'avait aucune raison de l'épargner. Sa vie ne valait pas mieux que celle du précédent être vivant qu'il avait croisé. Ses prunelles glissent de nouveau sur lui lorsqu'elle remarque son mouvement. Il vient de se retourner afin de lui faire face de nouveau. Conquérir. Ce mot la rebute si fort qu'elle ne maîtrise pas ses gestes et ses oreilles se plaquent rapidement contre sa nuque. Dommage, ça partait si bien avec le mot découvrir. Alors, dans quel camp se trouvait-elle... Future victime ou bien future conquête ? « La vie est trop courte pour ne pas en profiter à fond. » fini-t-elle par souffler. Parce qu'en fin de compte, la vérité universelle, elle était bien là, présente dans cette phrase qui pouvait paraître débile à la majorité ; il fallait simplement profiter de la vie tant qu'on le pouvait.

Elle sent son regard sur elle. Il l'observe attentivement, dans le moindre de ses faits et gestes. Il l'analyse, elle le sait. Et pourtant, elle n'utilise aucun cache et n'essaie même pas de dissimuler ses réactions. A vrai dire, elle aussi, l'analyse. Et ce sourire presque chaleureux qu'il lui offre l'intrigue. Depuis qu'ils se sont rencontrés, c'est sans doute la première fois qu'elle observe un tel sourire sur ses lèvres ; il était auparavant plutôt narquois. Lentement, ses oreilles se redressent. « Je n'ai jamais vraiment aimé ce mot. "Conquérir". » Avoue-t-elle à demi-mot, partagée entre l'envie d'être sincère avec lui et l'envie de le fuir autant qu'elle le pouvait. Son regard sonde l'étalon, à la recherche d'une quelconque réaction, puisqu'ils semblent être opposés sur ce sujet. Et, finalement, elle choisit de pénétrer dans le bassin, se rapprochant de l'étalon. « Quel est ton nom ? » Sa voix est calme et posée. Elle veut simplement savoir qui il est.

En effet, si ses gestes pouvaient parfois se montrer délicats et gracieux, ce n'était absolument pas calculé. Elle n'avait pas apprit à vivre en société, à tisser des liens avec les autres. La séduction lui était parfaitement étrangère et, évidemment, même si elle était loin d'être bête ou bien même juste naïve, elle ne s'imaginait pas une seule seconde qu'on puisse la trouver jolie ou bien même simplement élégante. C'était un sujet qui ne faisait que l'effleurer. Voilà pourquoi elle semblait si froide. « Syliah. » répond à son tour la noiraude, les yeux toujours rivés sur lui. On aurait pu croire qu'elle n'avait d'yeux que pour lui alors qu'en fait, si elle ne le quittait pas du regard, c'était pour la simple et bonne raison qu'elle conservait une infime part de méfiance. « Parce que je suis pour la liberté. » réplique-t-elle du tac au tac. « Et puis, pourquoi vouloir conquérir et s'approprier ce qui nous appartient déjà depuis le début... ? » Les êtres vivants avaient la chance de naître dans un monde qui leur offrait tout ce dont ils avaient besoin. Alors pourquoi vouloir plus ?

Justement. Le problème se trouve bien dans cette phrase ; "Il n'y a pas plus libre que celui qui réalise ses désirs et envies". Car, égoïstement, si celui qui réalise ses désirs et envies est libre, les autres, derrière, ne le sont pas forcément. Les paroles de Soshan se heurtent aux idéaux de Syliah. Elle ne peut pas accepter un tel mode de fonctionnement. Lui se contente de prendre ce qu'il veut uniquement parce que ça représente un défi à ses yeux ou bien parce que ça le fait se sentir puissant. Alors qu'elle se contente de prendre ce qu'on lui offre et vagabonde au gré du vent. « Mon ivresse c'est ma liberté. Mon sentiment de puissance, c'est quand je réalise le chemin que j'ai parcouru. Mon adrénaline, elle pulse dans mes veines lorsque je découvre de nouveaux horizons. Mon défi, c'est de rester libre aussi longtemps que je le pourrais. Je n'ai pas les mêmes besoin de toi, Soshan. Je n'ai pas besoin de me battre, de me couvrir de sang. Je n'ai pas besoin de conquérir. » réplique-t-elle simplement, sans aucune once de méchanceté. C'est une simple constatation. Elle ne le haït pas. Elle n'a pas peur de lui non plus. Elle n'est pas d'accord avec lui mais dans le fond, elle se fiche pas mal de ses projets. Il est libre de ses opinions et de ses faits et gestes. « As-tu envie de me faire du mal ? » demande Syliah sans le quitter du regard.

Visiblement, il ne compte pas épiloguer davantage sur le sujet. Ce qui est plutôt intelligent de sa part puisque ni lui ni elle sont prêts à céder et revenir sur leur façon de voir les choses. Il se rapproche d'elle en lui susurrant quelques mots qui finissent par devenir des murmures. Le sens de ses paroles reste flou mais elle en comprend pourtant bien le message de fond. Son regard descend sur les lèvres de l'étalon qui se trouvent un peu trop proches des siennes à son goût. Le souvenir du baiser d'Akan lui revient en tête, et les battements de son cœur s'accélèrent légèrement l'espace de quelques secondes avant de retrouver leur rythme normal. Puis son regard remonte aussitôt, à la recherche de ses prunelles brunes. « Comme si l'avenir m'appartenait. » elle réplique en redressant légèrement son encolure, laissant sa cicatrice apparaître. A vrai dire, depuis le début, elle est consciente que les dés sont jetés. Elle sent le piège se refermer lentement sans qu'elle ne puisse rien y faire. Elle est seule face à Soshan. Et elle le sait pertinemment ; personne ne viendra la sauver.

Ses oreilles s'enfouissent dans son épaisse crinière noire. S'il n'était pas aussi imposant, elle lui aurait sans doute bondit dessus afin de lui refaire le portrait. Elle détestait ceux de son espèce. Le choix... Elle se met à rire. Peut-être nerveusement. En tous cas, elle n'arrive pas à s'arrêter. Jusqu'à ce qu'il glisse son regard brun, ardent, dans le sien. Son air menaçant ne lui fait ni chaud, ni froid. Elle n'a jamais eu peur de la mort. « Plutôt mourir, même de ta main. » réplique-t-elle en soutenant son regard, impétueuse. Elle redresse encore davantage son encolure. Elle n'a plus honte de sa cicatrice, de sa faiblesse. « Vas-y. Termine le travail. » Et qui sait...

Peut-être que la mort sera plus douce...

Les coups s'enchaînent avec une rapidité folle. Elle n'y réagit pas et se contente de les encaisser comme elle peut. Elle n'a plus envie de répliquer, de se battre. La douleur s'éveille progressivement dans son corps. Elle sent la tiédeur du sang qui coule sur sa peau sombre. L'eau vient lécher ses plaies. Soshan joue avec elle comme il jouerait avec une bête poupée de chiffon. Parfois, elle serre les dents, lorsque la douleur est trop forte. Elle manque de tomber à genoux lorsqu'il s'écarte vivement d'elle. Le remous du bassin la font vaciller sur ses jambes instables.
Syliah voit clair en son jeu. Elle sait bien à quoi sert ce moment de répit. Il veut qu'elle prenne ses jambes à son cou, qu'elle se sauve. Ou qu'elle tente, plutôt. Et elle ne compte pas lui faire ce plaisir. Elle le fixe simplement de ses prunelles dépareillées, insoumise.