The dark side of the moon.

Les paroles de la rouquine n'étonnent pas Syliah. Il était normal qu'on promette l'Exil aux résistants et aux pacifistes. En temps de guerre, il n'y avait que deux camps possibles. Il n'en existait pas de troisième. Peu importe, l'idée de l'Exil ne lui faisait pas peur. Elle préférait l'Exil à la domination... « Je comprend ton choix. Moi, j'ai une préférence pour l'Exil dans le cas présent. Je ne peux pas vivre sous la coupe de quelqu'un. » confie-t-elle finalement à la rouquine. Elle ne pouvait pas imaginer son futur avec des chaînes. Ni avec des portes verrouillées.

C'était son choix et elle le respectait. Si Jiyuu acceptait de voir des chaînes - ou des barbelés - se resserrer sur ses chairs, c'était son choix. Syliah, elle, n'était pas prête à faire cette concession. Elle n'était pas prête à sentir une nouvelle fois le métal ne faire qu'un avec sa peau et ses chairs. Non, elle préférait fuir, et de loin.

« Amoureuse ? » répète-t-elle machinalement, presque inconsciemment. L'amour était un sentiment qui lui était plus qu'étranger. C'était un mot qu'elle entendait souvent mais qui ne faisait que l'effleurer. Qui glissait dans son esprit comme une goutte de pluie sur sa peau. Elle n'avait même jamais songé à cette hypothèse ; tomber amoureuse. Parce qu'elle ne voyait pas de qui elle pourrait bien tomber amoureuse. Elle n'aimait personne assez fort au point de l'aimer "d'amour". « J'ai pas envie de m'attacher. » C'était aussi pour cette raison qu'elle ne pensait pas à l'amour. Elle ne connaissait pas grand chose à ce sentiment mais elle en connaissait les effets et surtout la puissance. Alors oui... Très peu pour elle.

Pas le choix ? Bien sûr que si ! On a toujours le choix. Syliah reste plantée devant Jiyuu, l'encolure haute et le regard inquisiteur. Puis déjà, pour tomber amoureux, fallait être deux. « Je ne crois pas tellement au coup de foudre. » confie-t-elle à la rouquine. Quant au fait de tomber amoureux à force de passer du temps ensemble... Elle n'y croyait pas non plus, hormis si la fameuse histoire d'amour se déroulait dans une cave. Mais dans ce cas précis, elle n'était pas certaine que le mot "amour" soit approprié. Stockholm l'était déjà un peu plus.

Elle avait sans doute raison et Syliah en était consciente mais elle ne pouvait pas partager son avis. Du moins, pas pour le moment. Parce que, oui, il fallait le vivre pour le comprendre. C'était un peu comme l'instinct maternel ; fallait devenir mère pour le comprendre. « J'verrai bien, si je ne crève pas avant. » Parce qu'avec cette guerre débile, rien n'était moins sûr.

Elle avait bien faillit mourir un paquet de fois depuis sa venue au monde. Pour des raisons parfois un peu... Débiles voir même absurdes. On pouvait crever pour n'importe quelle raison et surtout à n'importe quel moment de notre vie. Que ce soit de maladie, d'accident ou bien de blessures infligées durant une bataille. « On verra bien. » répond simplement la noiraude. Qui sait. P'tre qu'elle changera d'avis. Après tout, y'a que les imbéciles qui n'en changent pas.

« Alors... Njörd - il est pas super intéressant mais pas méchant -, Alcantaraz - un paria, celui qui m'a blessée sous les ordres de Mukesh l'chef paria -, Belzé - il est trop drôle, c'est une bonne compagnie je dirais -, Céleste - la guérisseuse, l'est cool elle même si elle parle trop -, Shivraj - un vagabond comme moi aux oreilles en croissant de lune -, R'ayna - y'a un truc bizarre chez elle, j'crois que je l'aime bien - et Runaway - une sbire mais j'lui ai pas tellement parlé en vrai. J'en ai peut-être oublié. Faut dire qu'ils m'ont pas ultra marquée. » lâche-t-elle sans quitter Jiyuu du regard. Elle préférait de loin la solitude mais certaines âmes la captivaient. Un peu comme la renarde. Un peu comme Belzé. Un peu comme R'ayna. Un peu comme Shivraj. Un peu comme Akan... Ils avaient un truc. « Et toi alors ? »

« Tu l'as aussi rencontré ? » demande-t-elle, curieuse. En tous les cas, elle ne semble pas le porter dans son cœur. Ses paroles sont sèches, agressives. Quoi qu'il ait pu lui faire, il va le regretter, c'est certain.