/ winter blame.

Lov garde son regard rivé droit devant elle. Jamais son non-attachement à sa famille ne l'a touchée, enfin disons surtout qu'elle n'a jamais montré être blessée d'avoir été orpheline. Je n'ai connu mes parents qu'après avoir grandie. J'ai vu ma mère une fois, quand j'étais yearling, c'est la seule fois où je l'ai vu. Et j'ai rencontré mon père peu avant la guerre contre les parias. Il n'a pas survécu à l'exode. Aucune émotion ne perce sa voix chaude et vibrante. Elle finit par tourner la tête pour observer Jiyuu. J'ai quatre frères et soeurs, tous demi-sangs. Maddison a disparu depuis des années, Red est parti pendant la marche, Ghanan n'a pas suivi non plus, il ne reste ici qu'Aaren. Elle cite les noms sans savoir si la rouquine en connait un seul. Elle qui a toujours été sans-attaches, elle s'est rapprochée de son cercle fraternel depuis peu, surtout d'Aaren, dont elle était très éloignée. Red restera son plus beau pilier, même absent. Elle souffle doucement. Et toi ?

Lov connait bien son frère. Avec Red, Ghanan est celui qu'elle connait le mieux. Maddison est une quasi-inconnue pour elle, et Aaren, elle apprend tout juste à le connaître réellement. Ghanan n'aurait jamais laissé une mère et un enfant derrière-lui, partir sans lui. Il lui est forcément arrivé quelque chose mais, poussée par son désir de partir élever son enfant dans de meilleures conditions, elle n'était pas restée pour le chercher. Elle ne le regrette pas vraiment. Aurait-il fait le contraire, pour elle ?
La solitaire, si détachée du reste de sa famille, du reste du monde, même. Elle écoute patiemment Jiyuu, s'intéressant pour une fois à la vie d'une autre, d'une quasi-inconnue en fait, qui perd peu à peu de ce statut au fil de leur discussion. Elle se souvient d'une première rencontre qui ne s'était pas vraiment bien passée, peut-être ont-elles toutes les deux assez évolué pour que cela se passe autrement aujourd'hui. Au fil des mots de la rousse, Lövojka se rend compte qu'elles ne sont pas si différentes que ça, toutes les deux. Elle hoche simplement la tête, peut-être par simple respect. Au fond, ça nous rend plus fortes, de commencer ainsi, je pense.

Lövojka hoche simplement la tête, avec compassion et compréhension. Au fond, elle a raison et elle pense la même chose qu'elle. Elle ne s'attendait pas à trouver un terrain d'entente si intime et personnel avec Jiyuu, comme quoi, elle ne la connaissait certainement pas assez bien avant aujourd'hui. Elle aussi n'avait pas été désirée, née sous le coup d'une folie, fruit d'une union interdite, d'un pêché inavouable, fille d'un inceste. Son nom avait été sali avant même qu'elle ne voie le jour, pourtant, elle avait renversé tout ce qu'on avait pu lui prédire. Elle était la seule maîtresse de sa vie, peu importe de quoi ou de qui elle était née. J'espère qu'on trouvera d'autres terres. Plus froides, avoue-t-elle avec un fin sourire un peu bancal. Le Nord lui manque tellement.

Elle hoche plusieurs fois la tête, se surprenant même à sourire au souvenir du Nord. Les grottes glaciales, les étendues blanches et infinies, les lacs gelés, les montagnes tranchantes tirant leurs pics vers le ciel. Elle aimait profondément tout ça. Peut-être parce qu'elle y été née, qu'elle y avait grandi, qu'elle y avait toujours vécu. Peut-être parce qu'elle trouvait un réconfort apaisant dans ces endroits hostiles. Oh oui, soupire-t-elle simplement, un peu distraite, perdue dans ses souvenirs.

Sans dire un mot de plus, la lionne hoche simplement la tête, comme satisfaite. Elle observe les alentours, laissant un vent au parfum automnal s'échouer contre ses flancs et son encolure. L'impression soudaine d'être épiée lui chatouille l'épaule et elle tourne la tête, quêtant les environs, sans rien y voir de suspect.

La lionne soupire. Ne peuvent-ils pas être enfin en paix ? Tu crois qu'un autre troupeau pourrait chercher à nous affronter ? Peut-être ont-ils pris la place d'un autre groupe ?