∆ millenium

il rit un peu, se rapprochant toujours. on sert tous à quelque chose. il lui fait un clin d'oeil, remarquant facilement comme elle est tendue. il s'ébroue, la dépassant finalement pour entrer dans une des cellules. détends-toi, elles ne ferment même plus. il hume l'air humide et renfermé. autrefois, quand nos peuples sont arrivés sur cette terre, celle-ci était déjà habitée par les membres de la tribu. ceux-ci ont essayé de les chasser, alors qu'ils étaient là avant eux et la tribu n'a pas eu d'autres choix que de capturer certains de leurs membres pour essayer d'avoir une chance.

il sourit, remarquant facilement le malaise qui l'a envahie mais n'en dit pourtant pas un mot. si faucun décèle aisément les émotions qui peuvent traverser autrui, il s'en sert rarement contre eux comme d'une arme. en effet. il hoche la tête et hume l'air renfermé, humide, croupi. il tourne sa tête vers la blanche, soutenant lui aussi son regard sans aucune inconvenance. faucon n'a pas toujours été mon nom. je m'appelais horus. il l'emploie au passé, même si ça n'est pas très ancien comme évènement, peut-être parce que sa renaissance au sein de la tribu l'a révélé, qu'il s'est senti mis en avant pour ses capacités et non plus jugé pour de qui il descendait.

il sourit sans répondre. lui aime les deux. chacun ayant sa propre signification, lui remémorant une période de sa vie dont il n'a pas honte pour autant. il n'a pas changé de nom pour changer d'identité, seulement de vie. c'est exact. lorsque nous souhaitons intégrer la tribu nayati, il faut se soumettre à un baptême et choisir un nouveau nom plus en lien avec la nature qui nous entoure et qui nous offre tout ce que nous avons. il la laisse le contourner, ne la craignant pas. faucon reste toujours vigilant, comme si un garde intérieur le forçait à ne jamais relâcher son attention. il la suit, serein et silencieux, la mousse atténuant chacun de ses pas. il la laisse à son exploration, arrachant une drôle de fleur violette pour la mastiquer.

elle se retourne, il est nez à nez avec elle. pourtant il ne bouge pas, la fixant de son oeil glacial. le contact ne l'a jamais dérangé, bien au contraire. les coins de ses lèvres s'étirent légèrement quand il remarque son malaise, elle a l'air gênée. il ne répond pas à sa question dans un premier temps, avançant entre elle et le mur en s'immobilisant parallèlement à son corps. il regarde le fond de la grotte tandis qu'elle est tournée vers le chemin qui mène à l'entrée. doucement, il vient appuyer son flanc au sien et il ferme les yeux, ignorant le frisson qui électrifie tout son corps. à part celle-ci, non, il n'y en a pas.

il l'a offensée, ou dans tous les cas, certainement mise suffisamment mal à l'aise pour qu'elle s'échappe à son contact. faucon reste immobile, sans chercher à la retenir et encore moins à la poursuivre. certes prédateur, l'oiseau n'a jamais enfreint son code d'honneur qui lui impose de ne s'adonner à ces jeux de chairs que si sa partenaire est consentante. et puis pour être franc, à cet instant, il n'y pensait pas vraiment. il l'entend revenir au bout de quelques minutes. lui n'a pas bougé, fondu dans l'obscurité comme un chasseur attend sa proie. dans l'ombre, il laisse se découvrir ses dents blanches en un sourire étrange mais sincère. je ne me permettrais pas de penser ça de vous alors que je viens visiblement de faire un faux pas. ses naseaux se dilatent, malgré la fine odeur des chaleurs de la jument, le mâle reste parfaitement maître de lui-même. je m'excuse si je vous ai gênée. ce n'était pas mon but.

elle sourit, elle rit même ; elle ne lui en veut donc pas beaucoup. faucon ne répond pas tout de suite et décide de tourner ses prochaines paroles, ses avoeux sûrement difficiles, peut-être honteux ? à la dérision pour la détendre et lui faire comprendre qu'avec lui, les secrets sont bien gardés. eh bien, j'espère bien que vous n'avez pas côtoyé de mâle en étant enfant, ça aurait été une chose bien dramatique à mon avis ! il rit un peu, pour la décrisper. sa question est si innocente, cela fait sourire faucon. même enfant, il n'a jamais pu être comme ça, toujours confronté à la dure réalité, à la loi de la jungle ; celle du plus fort. il hoche doucement la tête. si on commence comme ça, je pense qu'on devrait se tutoyer nouveau sourire en coin, il fait un pas puis s'arrête, la fixant de son oeil glacé. je te laisse faire, comme ça, tu peux y aller à ton rythme. il a de la peine à imaginer ce que cela fait. lui a connu le contact et la chair très jeune, presque trop ? mais il est d'accord d'envisager qu'ils n'ont pas tous vécu comme lui et qu'alors que lui apprenait à devenir un tueur, d'autres apprennent à apprivoiser le contact avec les autres.

il lui donne tout le temps qu'il faut, restant parfaitement immobile comme s'il avait soudainement été figé dans la pierre. on croirait même qu'il ne respire plus tant son souffle est contrôlé et lent. pourtant, après quelques pas dans sa direction, la jument se reprend et recule. il croirait qu'elle change d'avis mais finalement, ses mots prouvent le contraire. il la laisse s'installer et décide ensuite d'avancer à pas lents mais assurés. peut-être que sa propre assurance lui donnera plus confiance que s'il paraît anxieux. de toute façon, même dans une situation tendue, faucon ne l'est jamais. il contrôle parfaitement les signaux qu'il renvoie aux autres, l'image qu'il donne, tout ce qui peut se voir de l'extérieur. il approche donc, franchement mais sans la brusquer. lorsqu'il arrive près d'elle, il fléchit ses membres fins et se couche, d'abord sans la toucher. puis, il étend son encolure pour effleurer ses flancs et remonter à son encolure, soufflant un air chaud contre ses poils. finalement, avant de lui imposer le contact de son corps, il ne lui donne pour essai que celui de son encolure contre la sienne. sans la regarder, il surveille ses réactions. la vitesse de sa respiration, celle des battements de son coeur que son ouïe surdéveloppée pourrait presque lui faire entendre, du moins sentir, l'odeur de la peur si elle apparait. attentif et minutieux, le mâle prend son temps et lui laisse, à elle aussi, du temps pour s'acclimater. il ne trouve pas cela étrange ou anormal.
pour lui, toute différence est un don.

Il la sent se détendre, petit à petit. Son souffle, les battements de son coeur, tous tendent à retrouver une vitesse normale. Discrètement, son oeil cherche son visage dans son champ de vision et il y découvre un sourire. Il sourit légèrement à son tour, cessant ensuite de la regarder. Il ne peut avoir meilleure preuve de son appréciation, sûrement. Et pourtant, il en a une encore plus flagrante, dans les secondes même qui suivent cette pensée. Il sent son corps se laisser aller contre le sien. Faucon attend encore quelques instants avant de complètement coller son corps au sien, des flancs jusqu'à l'encolure, lui offrant une caresse douce comme il en donne rarement. Le silence n'est pas pesant, pourtant il le brise pour lui demander, d'une voix calme : Alors ? Ce n'est pas si terrible, une fois accompli, n'est-ce pas ? Il souffle sur le sol, avant de poser ses naseaux contre sa nuque. Parfois, certains monstres que l'on pensait immenses nous semblent bien plus petits une fois affrontés.