∆ millenium

Alors que son regard est papillonnant, son oeil à lui reste dardé sur elle, sans relâche. Prédateur dont les griffes ne se desserrent pas autour du cou de sa victime. Alors tout va bien... souffle doucement Faucon, d'un ton presque... sensuel ?

Mais Faucon, surpris par la spontanéité pourtant robotique de la grise, se détache vivement de ses lèvres. Il la fixe comme si elle venait de le brûler. Il reste un instant silencieux. L'eau, soudain, lui semble glacée. Comme la couleur de son unique oeil, qu'il garde rivé sur elle.
Elle avait peur du contact, semblait si chétive. Comment a-t-elle pu, d'un seul coup, réussir pareil exploit ? Faucon ne s'y attendait pas. Pire, il ne le souhaitait pas. Non pas qu'elle le rebute, bien au contraire. Mais lui aussi s'attendait à autre chose. Ou.. non. C'est qu'il a senti autre chose dans son geste. Comme une contrainte. Pire. Une obligation. Pourquoi... pourquoi as-tu fait ça, Astrée ? Il hésite, avance d'un pas. Il a encore le goût de ses lèvres sur les siennes. Tu penses que j'attends quelque chose de toi ? Son ton est calme, presque doux.

Faucon la fixe comme si elle venait d'apparaître ou que si elle avait un troisième oeil en train de pousser sur le chanfrein. Il la dévisage, avec une animosité nouvelle, juste là dans son iris glacé, une traînée électrique qui danse. Non, ce n'est pas normal. Qui t'a appris ça ? crache-t-il presque, avec l'envie soudaine, démesurée comme toujours, de la prendre. Sous son aile, contre lui, de la protéger, de l'éloigner du mal. De tuer, encore. De faire payer, d'apprendre, de corriger. Il fait un pas encore, frôle ses naseaux des siens, doucement, sans rien tenter. Sans rien la laisser tenter non plus.

La voir autant affligée par son refus le fait culpabiliser. Est-ce qu'il aurait pu jouer le jeu, est-ce qu'elle en aurait eu vraiment envie, elle ? Il la fixe toujours - de ce regard dur, glacial, unique. Son regard naturel, pourtant. Pour cela, il n'y peut rien. Il s'approche, ne sachant pas si elle va le laisser faire. Alors, il tend l'encolure, effleure ses naseaux des siens, y souffle un air chaud. Chut.. calme-toi, Astrée.. Il franchit les derniers mètres les séparant, avant de l'attirer contre lui. Sortons, lui intime-t-il tout en la gardant contre lui avec son encolure, sans savoir si elle ne va pas se dégager violemment ou bien sombrer dans l'eau sous le poids de ce qui semble la toucher autant.

Il l'entraîne donc à sa suite, sortant de l'eau. Il a un peu froid, soudain, lui aussi. Il ne se détache pas d'elle, pour ne pas mettre un terme à ce contact qu'il espère rassurant. Une fois sortis, il s'écarte un peu pour s'ébrouer et ne pas trop l'éclabousser, même si elle est mouillée comme lui. Il revient vers elle et d'un geste de la tête, l'entraîne en silence de nouveau. Il la ramène à la Roche-Mère. Ils ont assez vagabondé pour aujourd'hui et le soleil commence à décliner. Elle doit être frigorifiée. Il lui fait traverser la grande pièce principale et prend une petite succession de couloirs sans aucune once d'hésitation. Il arrive dans une pièce où son odeur est plus présente, presque entêtante. C'est là qu'il se repose, c'est un peu sa couche, disons. La pièce n'est pas très vaste, et seules quelques herbes séchées par le soleil lui servent de lit. Tu peux rester ici pour cette nuit, souffle-t-il, doucement, en se tournant vers elle.

Faucon la fixe, étudiant la moindre de ses émotions, qui transparaissent dans ses yeux, dans ses mimiques, jusque dans sa voix. Il ne dit rien, lui laissant le temps de se reconnecter, l'étudiant avec attention et précision. Comme le ferait un rapace, un chasseur ; et pourtant, un oiseau de proie sait qui il doit protéger. Allonge-toi au lieu de poser de telles questions. Il lui offre un sourire bancal, lui désignant le tas de feuilles longues et malléables qui lui servent de matelas. Il se demande si elle acceptera qu'il se mette près d'elle et, dans le doute, reste debout pour le moment.

Il attend qu'elle soit bien installée. Puis, ensuite, Faucon marche lentement jusqu'à elle avant de se coucher là où elle s'est décalée. Leurs flancs se frôlent mais il reste impassible. Son oeil fixe le couloir par lequel ils sont venus. Alors. Tu veux m'en parler ?

Lorsqu'elle se colle à lui, il ne bronche pas, la laissant faire. Le contact ne l'a jamais dérangé, bien au contraire d'ailleurs. Il laisse ses mots s'enfouir dans un silence qu'il espère léger pour elle autant qu'il l'est pour lui. Ici, ils sont comme dans un cocon protégé, au fond du nid. Cela ne doit jamais être un obligation, une contrainte, ou un simple devoir. Son ton est froid et ferme, de nouveau, mais il n'y peut rien. Et puis, elle doit commencer à avoir l'habitude, maintenant.