spleen /

De nouveau, elle montre les dents. Seules ses babines, comme celles d'un félin, se retroussent et craquent légèrement. Elle sent son corps l'effleurer, et ça lui déplait. Elle fait claquer un de ses sabots arrière contre le roc qui recouvre le sol. Qui recouvre son coeur. Elle le suit des yeux, coulevrine, sans bouger. Ses naseaux expirent un air épais et fulmineux, qui s'évapore dans l'atmosphère en stagnant un peu entre eux. Comme une mise en garde. Elle se décale de quelques millimètres pour rétablir la distance de sécurité entre leurs corps, suffisamment pour qu'il ne la touche plus. Suffisamment pour qu'il le comprenne, aussi.

Pas de la même façon, non. On peut pourrir de bien des façons, mais au final, le noir ne s'obtient que d'une seule teinte à la fin. Il n'y a pas de noir clair ou de noir foncé. Juste du noir. Tu es noir, je suis noir. Là, tout au fond de nous. Plus profond que les entrailles, des âmes souillées. De différentes manières, certes. Elle l'observe toujours, le corps froid, le regard saillant, sans rien dire.

Et sans vraiment savoir pourquoi, elle vient l'y rejoindre, se plaçant à ses côtés en évitant soigneusement tout contact. Ça se joue à quelques centimètres seulement. Mais Brooklyn a toujours aimé la précision. Le puissant du détail. La force de l'insignifiant. « Dire que quelqu'un règne sur tout ça. » lâche-t-elle avec une certaine pointe de dégoût dans la voix.

Ses lèvres s'étirent en un sourire amer. « Ni moi ni toi, déjà. »

Elle le toise. « Je parle d'actuellement. Tu n'es pas le dominant de ces terres, et je le sais. Il me semble savoir que je ne le suis pas non plus. » Elle fait quelques pas. S'approche du vide. A de nouveau un sourire, comme si elle pouvait sentir l'adrénaline flirter dans ses veines. « Pour ce qui est de plus tard... » commence-t-elle avec un sourire énigmatique.

Elle tourne vers lui un regard complice, avant de pivoter pour se mettre de nouveau face à lui. Elle l'observe un moment en silence, avec ses yeux de corbeaux, avant de secouer simplement la tête. « Je ne vois aucunement l'enjeu à dominer tous ces gens. » fait-elle, sincère. On ne lui a pas appris à gouverner. Non, non...

Elle se plante face à lui. Incline sa tête presque à l'horizontal en le fixant. C'est dérangeant. « Je préfère démanteler toutes les unions, planter le clou dans la botte de paille, tirer la ficelle qui fera s'écrouler le château. » Comme elle l'a déjà fait, là d'où elle vient. Sa tête se remet droite, se posant de nouveau sur l'étendue. « Et que ferais-tu d'eux ? »

Je la laissais m’oppresser, sans opposer de résistance. Je soutenais son regard, sans réelles réactions. J'écoutais sa version des choses qui était beaucoup plus solitaire, plus efficace aussi. J'eus un sourire, un peu rêveur. « Je les gouvernerais, jusqu'à ce que tous obéissent et je t'assure que je m'amuserais beaucoup. » Tout diriger, tout obtenir. La folie des grandeurs, un peu.

Elle tord de nouveau sa tête sur le côté. À un tel point que ça en devient étrange. « Mais comment seras-tu sûr qu'aucun d'eux ne te trahirait ? » demande-t-elle ne remettant sa tête droite, avec un sourire sombre sur les lèvres.